On peut supposer que les adultes racontent et imaginent des histoires pour les enfants depuis bien longtemps. Ce n’est cependant qu’à partir du milieu du XIXe siècle que la littérature destinée à la jeunesse se développe. Ce phénomène est facilité par deux changements majeurs dans la société de l’époque : la démocratisation de l’enseignement et la révolution industrielle.

Pendant bien longtemps, l’immense majorité des personnes ne savaient pas lire. Avec le développement de l’enseignement, de plus en plus de jeunes accèdent à la lecture. Une lecture qui n’est pas uniquement scolaire mais qui peut être aussi divertissante. De nombreuses publications vont rapidement être directement adressées aux enfants.

Comment ? Grâce à la révolution industrielle, notamment dans le milieu de l’édition, où il est de plus en plus facile et de moins en moins cher d’imprimer. Alors que le livre était jusque-là un objet artisanal, très cher et réservé aux personnes les plus riches, il se répand parce qu’il devient bon marché.

Mais l’écrit se diffuse également à travers d’autres formes : c’est la grande époque de la presse. Les journaux et les magazines se multiplient et essayent d’attirer un maximum de lecteurs, notamment avec des histoires pleines de rebondissements et de décors exotiques : la littérature d’aventures est née. Aussi bien en roman, en nouvelle qu’en bande dessinée (une autre grande innovation de l’époque), l’aventure est certainement le genre le plus représenté dans la littérature jeunesse.

La recette d’une bonne aventure repose sur deux ingrédients indispensables : des péripéties et un cadre dépaysant. Car le roman d’aventures est avant tout un roman d’action : pas trop de descriptions, peu de détours psychologiques. Le cœur du récit est dans la multiplication des événements, des péripéties que le personnage principal va connaître : lutte pour la survie, combat contre des malfrats en tous genres, recherche d’un trésor perdu… Autant de bonnes raisons de partir sur les chemins de l’aventure.

Et si celle-ci peut se trouver au fond d’un jardin, c’est surtout dans des décors et des paysages méconnus des lecteurs qu’elle se raconte. Le dépaysement est en cela très important pour le genre et peut se décliner de plusieurs manières : géographique, historique, sociale et fantastique.

C’est le plus courant. Dans ces récits, on suit la plupart du temps un héros qui part vers une destination lointaine et mystérieuse. Lorsque les premiers romans d’aventures sont écrits, les Européens sont loin d’avoir parcouru le monde entier et de nombreuses régions restent inconnues et fascinantes : jungles sauvages en Inde (Le livre de la jungle) ou en Afrique (Tarzan), îles mystérieuses au large de l’Amérique (comme dans L’île au trésor ou Robinson Crusoé) ou encore mers du monde entier peuplées de créatures fascinantes (la baleine blanche de Moby Dick ou encore le calmar géant de Vingt mille lieues sous les mers).

"Les romans d'aventures" était une collection des éditions Férencsy publiée entre 1923 et 1929
Jean de la Hire - La captive du soleil d'or
L Motta - Les ravageurs des mers de Chine
Paul Dargens - Les naufragés de Bornéo
Pierre Blénod - Le Pirate du Pacifique
R. Thevenin - La jungle insurgée
Christian Brull - le désert du froid qui tue
Eric Stanley - Le chef noir
Georges Le Faure - La Course au Milliard
H de Graffighy - L'île des proscrits

Quoi de plus dépaysant qu’un voyage dans le temps ? Pas besoin de machine pour cela car le roman d’aventures peut faire revivre toutes les périodes historiques : des premiers hommes au cœur de la préhistoire (La guerre du feu, Rahan) jusqu’à l’époque contemporaine (Les enfants de la résistance dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale) en passant par le Moyen Âge (Ivanhoé). S’ils s’appuient sur des périodes historiques précises, ces récits ne sont pas des cours d’histoire mais se servent d’époques passées pour stimuler l’imagination du lecteur !

La collection "À Travers l'Univers" des éditions Tallandier publiait des romans historiques entre 1932 et 1933
George Fronval - Le Drame du Transaharien
Jean d'Arjanse - à la conquête du Sénégal
Jean d'Arjanse - Sur la Route du Niger
José Douro - La Loi du Talion
José Douro - Les Aventures de jacques Cartier
Louis Granval - Abd-El-Kader l'indomptable émir
Pierre Dukay - Les naufragés de la Meduse
Pierre Dukay - Napoléon du Cap
Pierre Maidières - Le destin tragique de James Cook
Pierre Mariel - Le Maître du Mississipi

Moins évident mais tout aussi présent, les auteurs peuvent également jouer sur le dépaysement social du lecteur. Pour cela, ils mettent en scène des catégories de la population peu visibles que le lecteur, surtout enfant, ne fréquente pas naturellement : les très pauvres (comme les orphelins dans Rémi sans famille par exemple) ou, au contraire, les plus riches, comme l’aristocratie (Disney et ses princesses). C’est ici aussi que l’on retrouve de nombreuses aventures policières confrontant le lecteur aux milieux du crime et des mafias (comme la mafia russe dans le Spirou et Fantasio à Moscou). Dans la bande dessinée Les Quatre de Baker Street, les auteurs mettent par exemple en scène des orphelins aidant Sherlock Holmes dans des intrigues criminelles.

La collection "Les bas-fonds" des éditions Ferenczi joue en plein la carte du dépaysement social
Les bas-fonds - quatrième de couverture
Guy de Teramond - Vendue !
Guy de Teramond - Les drames de la cocaïne
Guy de Teramond - Tripots et compagnie
Guy de Teramond - Les exploits des maîtres chanteurs
Guy de Teramond - Dancings !
Guy de Teramond - La reine de entôleuses
Guy de Teramond - Les vices de Paris
Guy de Teramond - Prisons de femmes
Guy de Teramond - Les parias

Qui sait vraiment ce qui se cache dans les endroits les plus reculés du monde ? Les auteurs n’arpentent pas toujours des sentiers réalistes. Beaucoup de romans d’aventures se teintent de surnaturel et de fantastique : dans Le monde perdu, les aventuriers découvrent par exemple, au cœur de l’Amérique du Sud, un espace coupé du monde où subsistent des dinosaures (un peu comme dans la bande dessinée Frnk). Parfois ce sont les inventions elles-mêmes qui, puisqu’elles n’existent pas, relèvent du surnaturel : dans De la Terre à la Lune, Jules Verne imagine un voyage jusqu’à l’astre lunaire près de 100 ans avant que l’homme y arrive réellement. Quant à La machine à explorer le temps, personne ne l’a encore découverte…

Après les voyages à travers la Terre, Nizerolles revient pour les éditions Ferenczi avec une série d'aventures fantastiques à travers le système solaire
Les aventuriers du ciel 6
Les aventuriers du ciel 8
Les aventuriers du ciel 11
Les aventuriers du ciel 13
Les aventuriers du ciel 14
Les aventuriers du ciel 18
Les aventuriers du ciel 21
Les aventuriers du ciel 23
Les aventuriers du ciel 24
Les aventuriers du ciel - quatrième de couverture